B. Erreurs d'écriture (1)

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Ce qui est commun à ces trois cas, c'est que l'erreur a porté chaque fois sur le même médicament, qu'il s'est agi chaque fois de malades du sexe féminin, d'un âge avancé, et que la dose prescrite a toujours été trop élevée. Une rapide analyse a permis de constater que les rapports entre le médecin et sa mère ont dû exercer une action décisive sur la production répétée de cette erreur. Il se rappelle notamment qu'un jour (très probablement avant l'acte symptomatique dont nous nous occupons) il a prescrit à sa vieille mère le même médicament, et cela non à la dose de 0, 02 cg., comme il en avait l'habitude, mais à celle de 0, 03 cg., afin, pensait-il, d'obtenir un résultat plus radical. Cette dose avait provoqué chez sa mère (une femme très susceptible) une congestion du visage et une sécheresse désagréable dans la gorge. Elle s'en plaignit et dit en plaisantant que les ordonnances prescrites par un fils-médecin pouvaient quelquefois être dangereuses pour ses parents. À d'autres occasions, d'ailleurs, la mère, fille de médecin elle-même, refusa les médicaments que lui avait proposés son fils, en parlant (toujours sur un ton de plaisanterie, il est vrai) d'empoisonnements possibles.

Pour autant que M. Hitschmann a pu discerner les relations existant entre la mère et le fils, celui-ci lui a paru instinctivement, naturellement affectueux, mais n'ayant pas une haute opinion des qualités intellectuelles de sa mère et ne professant pas pour elle un respect exagéré. Vivant sous le même toit qu'elle et avec un autre frère d'un an plus jeune que lui, il voit, depuis des années, dans cette vie en commun une entrave à sa vie amoureuse, et nous savons par la psychanalyse que des situations de ce genre deviennent souvent une cause de contrainte intérieure. Le médecin a accepté l'analyse sans la moindre objection et s'est dé belladonna pouvait aussi signifier «jolie femme» et être dans son cas l'expression d'une aventure amoureuse. Il a eu antérieurement l'occasion de faire luimême usage de ce médicament.

Je veux espérer que, dans d'autres cas, des erreurs de la même gravité n'ont jamais eu de suites plus sérieuses que dans celui dont nous nous occupons.

i) Voici un lapsus calami tout à fait inoffensif, dont nous devons la communication à M. Ferenczi, On peut l'interpréter comme étant l'effet d'une condensation, provoquée elle-même par de l'impatience (voit p. 70 le lapsus Apfe) et s'en tenir à cette manière de voir, jusqu'à ce qu'une analyse plus approfondie ait révélé l'intervention d'un facteur perturbateur plus puissant: «À cela s'applique l'anecdote» (Hiezu passt die AnekTODE [52], écris-je dans mon livre de notes. Je voulais naturellement écrire Anekdote (anecdote), et je pensais notamment à l'anecdote où il est question du bohémien qui, ayant été condamné à mort, avait obtenu la faveur de choisir lui-même l'arbre sur lequel il devait être pendu. (Malgré toutes ses recherches, il ne trouva pas d'arbre qui soit à son goût.)

j) Dans d'autres cas, au contraire, le lapsus calami le plus insignifiant en apparence peut avoir une signification très grave. Un anonyme raconte: «Je termine une lettre par les mots: «salut le plus cordial à Madame votre épouse et à son fils». Mais au moment même de mettre la lettre dans l'enveloppe, je m'aperçois de mon erreur et m'empresse de la corriger [53]. Alors que je revenais de la dernière visite que j'ai faite à ce ménage, une dame qui m'accompagnait m'a fait observer que le fils présentait une ressemblance frappante avec un ami de la maison et devait certainement être l'enfant de celui-ci.»

k) Une dame envoie à sa sœur quelques mots pour lui exprimer ses meilleurs vœux à l'occasion de son installation dans une nouvelle et belle demeure. Une amie, en visite chez elle, pendant qu'elle écrit cette lettre, lui fait observer qu'elle a mis sur J'enveloppe une fausse adresse, non pas celle du domicile que sa sœur venait de quitter, mais celle d'un appartement qu'elle avait habité il y a longtemps, alors qu'elle venait de se marier. («Vous avez raison, convient la dame, mais comment ai-je pu commettre cette erreur?» L'amie: «Il est possible que, jalouse du grand et bel appartement que votre sœur occupe maintenant, alors que vous vous croyez vous-même logée étroitement, vous la replaciez dans son premier appartement, dans lequel elle n'était pas mieux logée que vous ne l'êtes actuellement.» «Certes, je suis jalouse de son appartement actuel», avoue l'autre franchement. Mais elle ajoute aussitôt * «Quel dommage qu'on soit si mesquin dans ces choses-là!»

l) M. E. Jones communique l'exemple suivant de lapsus calami, qu'il tient lui-même de M. A. A. Brill: un patient adresse à ce dernier une lettre dans laquelle il s'efforce d'expliquer sa nervosité par les soucis et les préoccupations que lui causent ses affaires, en raison d'une crise cotonnière. Dans cette lettre figurait la phrase suivante: «my trouble is all to that damned frigid wave; there is'nt even any seed» (tous mes troubles sont dus à cette mauvaise vague froide…). Par wave il voulait dire naturellement vague, courant des affaires; mais, en réalité, ce n'est pas wave qu'il a écrit, mais wife (femme). Il en voulait, dans son for intérieur, à sa femme, à cause de sa frigidité sexuelle et de sa stérilité, et il n'était pas loin de reconnaître que l'abstinence qui lui était imposée jouait un grand rôle dans l'apparition de ses troubles.

m) Le De R. Wagner rapporte (dans ZentraIbl f. Psychoanal., 1, 12) ce cas personnel:

«En relisant un vieux cahier de cours, je constate que la vitesse avec laquelle j'avais dû écrire pour suivre le professeur m'avait fait commettre un lapsus calami : voulant écrire EPithel (épithélium), j'avais mis EVithel. En mettant l'accent sur la première syllabe de ce dernier mot, on obtient le diminutif d'un nom de jeune fille. L'analyse rétrospective est assez simple. À l'époque du lapsus, il n'existait entre la jeune fille, porteuse de ce nom, et moi que des relations tout à fait superficielles. Elles ne sont devenues intimes que beaucoup plus tard. Mon lapsus apparaît ainsi comme un beau témoignage d'une inclination inconsciente, et cela à une époque où je ne pensais même pas à la possibilité de relations intimes entre Édith et moi. La forme du diminutif choisie caractérise en même temps les sentiments qui accompagnaient ma tendance inconsciente».

n) Dans ses «Contributions au chapitre des erreurs d'écriture et de lecture» (Zentralbl. f. Psychoanalyse, II, 5) Madame la doctoresse von Hug-Hellmuth écrit:

«Un médecin prescrit à une malade de l' «eau de Levitico », au lieu d'écrire: «eau de Levico» Ce lapsus, qui fournit au pharmacien un prétexte à des remarques désobligeantes, peut s'expliquer facilement, si l'on veut bien en chercher les raisons possibles dans l'inconscient et ne pas refuser par avance à ces raisons toute vraisemblance, alors qu'elles apparaîtraient comme exprimant l'opinion subjective d'une personne étrangère à ce médecin. Celui-ci, bien qu'il reprochât à ses malades, dans des termes assez durs, leur alimentation peu rationnelle, c'est-à-dire malgré l'habitude qu'il avait de les chapitrer et réprimander (Leviten lesen; littéralement – «lire le Lévitique» ), avait une très forte clientèle, de sorte que sa salle d'attente était remplie de monde aux heures de la consultation et qu'il était obligé de presser ses malades de se rhabiller une fois l'examen terminé. «Vite, vite» , devait-il leur dire en français. Je crois pouvoir me rappeler que sa femme était française d'origine, ce qui justifie dans une certaine mesure ma supposition un peu osée que, dans son désir de voir les malades se succéder aussi rapidement que possible, il pouvait se servir de ce mot français. C'est d'ailleurs une habitude chez beaucoup de personnes d'exprimer des désirs de ce genre à l'aide de mots étrangers. c'est ainsi qu'au cours des promenades qu'il faisait avec nous, lorsque nous étions enfants, mon père nous adressait souvent ses commandements en italien (Avanti gioventù) ou en français (marchez au pas!); et alors que, jeune fille, j'étais en traitement pour un mal de gorge, le médecin, déjà âgé, cherchait à calmer mes mouvements trop brusques par un apaisant «piano, piano!» Aussi me paraît-il tout à fait vraisemblable d'admettre la même habitude chez le médecin en question. Et ainsi se trouve expliquée sa prescription (son lapsus) [54] «eau de Levitico», au lieu de «eau de Levico». Le même auteur ajoute d'autres exemples empruntés à ses souvenirs de jeunesse.

o) Voici un lapsus calami qui pourrait être pris pour un jeu de mots d'un goût douteux, mais qui a été commis sans aucune intention de faire de l'esprit. Il m'a été communiqué par M. J.G. dont j'ai déjà mentionné une autre contribution à ces recherches.

«Hospitalisé dans un sanatorium (pour affection pulmonaire), j'apprends à mon grand regret qu'un de mes proches parents a été reconnu atteint de la même maladie que celle qui m'a obligé d'entrer dans ce sanatorium.

«J'écris donc à mon parent, pour l'engager à aller consulter un spécialiste, un professeur connu, dont je suis moi-même le traitement. J'ajoute que je suis convaincu de la compétence médicale de ce professeur, mais que je n'ai pas à me louer de sa courtoisie, car peu de temps auparavant il m'a refusé un certificat qui avait pour moi une grande importance.

«Dans la réponse qu'il écrivit à ma lettre, mon parent attira mon attention sur une erreur que j'avais commise. Comme j'ai instantanément trouvé la cause de cette erreur, l'incident m'a énormément amusé.

«Il y avait, en effet, dans ma lettre le passage suivant: «je te conseille d'ailleurs d'aller sans tarder INsulter le professeur X.» Il va sans dire que je voulais écrire: CONSULTER.

«Je dois ajouter que je suis assez familiarisé avec le latin et le français pour qu'on ne puisse mettre mon erreur sur le compte de l'ignorance.»

Les omissions qu'on commet en écrivant sont naturellement justiciables des mêmes explications que les lapsus. Dans Zentralbl. f.Psychoanalyse, I, 12, M . B. Dattner, docteur en droit, communique en exemple remarquable d' «acte manqué historique».

Dans un des articles de la loi sur les obligations financières des deux États, articles qui ont été convenus au cours du compromis de 1867 entre l'Autriche et la Hongrie, le mot effectif a été omis dans la traduction hongroise et, d'après M. Dattner, cette omission serait due très probablement à la tendance inconsciente des rédacteurs hongrois de la loi à accorder à l'Autriche le moins d'avantages possible.

Nous avons également toutes les raisons d'admettre que les cas si fréquents de répétition des mêmes mots qui se produisent lorsqu'on écrit ou copie, c'est-à-dire les cas dits de persévération, ne sont pas non plus dépourvus de signification. Lorsque l'écrivain répète un mot qu'il a déjà écrit, il montre par là-même qu'il lui est difficile de se séparer de ce mot, que dans la phrase où figure ce mot il aurait pu dire davantage, mais qu'il a omis de le faire, et ainsi de suite. Chez le copiste, la «persévération» semble remplacer l'expression: «et moi aussi». J'ai eu l'occasion de lire de longues expertises médico-légales qui présentaient des «persévérations» aux passages les plus caractéristiques; et j'étais chaque fois tenté d'expliquer ces «persévérations» par la contrariété que devait éprouver le copiste du fait du rôle impersonnel qui lui était dévolu: on aurait dit qu'il voulait chaque fois ajouter ce commentaire: «c'est tout à fait mon cas» ou: «tout à fait comme chez nous».

Rien ne nous empêche d'étendre notre explication et de considérer les erreurs typographiques comme des lapsus calami du compositeur, aussi bien motivés que les erreurs d'écriture proprement dites. Je ne me suis pas donné la peine d'établir une liste systématique de ces actes manqués; mais je suis certain qu'une telle liste, si elle existait, serait amusante et instructive. Dans son travail, déjà mentionné à plusieurs reprises ici, M. Jones a consacré un paragraphe spécial aux Misprints (erreurs typographiques). Les déformations des textes télégraphiques peuvent, elles aussi, n'être dans certains cas que des lapsus commis par le télégraphiste. Je reçois pendant les vacances un télégramme de mon éditeur dont le texte m'est incompréhensible. Il y est dit: «VorRÄTE erhalten, EinLADUNG X. dringend.» (Réserves reçues, Invitation X. urgente). C'est le nom X. qui m'a fourni la clef de l'énigme. X. était l'auteur pour le livre duquel je devais écrire une introduction (Ein LEITUNG, et non Ein LADIJNG). Il m'a fallu me rappeler ensuite que j'avais, quelques jours auparavant, expédié au même éditeur une préface (Vor REDE, et non Vor RÂTE) à un autre livre, préface dont on m'accusait ainsi réception. Voici donc quel devait très vraisemblablement être le texte exact du télégramme:

«Vorrede erhalten, Einleitung X. dringend.»

(Préface reçue, Introduction X. urgente).

Il est permis de supposer que la transformation du texte a été dictée au télégraphiste par le complexe «faim», et il a d'ailleurs établi entre les deux moitiés de la phrase une corrélation plus étroite que celle qui existait dans le texte authentique. Nous avons ici, en outre, un joli exemple de cette élaboration secondaire qui existe dans la plupart des rêves [55].

D'autres encore ont signalé des erreurs typographiques dont il est difficile de contester le caractère tendancieux. Je signale l'article de Storfer: «Der politische Druckfehlerteufel», paru dans Zentralblattf. Psychoanalyse, II, 1914, et la notice parue dans la même revue (III, 1915) et que je transcris ici:


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