12. Déterminisme. Croyance au hasard et suprstition. Points de vue (4)

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[60] Lorsqu'on demande à quelqu'un s'il n'a pas eu la syphilis dix ou quinze ans auparavant, on oublie facilement qu'au point de vue psychique ce quelqu'un envisage la syphilis tout autrement que, par exemple, une crise de rhumatisme aigu. – Dans les renseignements fournis par les mères concernant les antécédents de leurs filles névrosées, il est difficile de faire avec certitude la part de l'oubli et celle du manque de sincérité, car les parents écartent ou refoulent systématiquement tout ce qui peut servir d'obstacle éventuel au futur mariage de la jeune fille. – Un homme qui vient de perdre, à la suite d'une affection pulmonaire, sa femme qu'il aimait beaucoup, me communique le cas suivant de faux renseignements fournis au médecin, sans qu'on puisse expliquer le mensonge commis envers ce dernier autrement que par l'oubli: «La pleurésie de ma femme n'ayant subi aucune amélioration depuis plusieurs semaines, le Dr P. fut appelé en consultation. En recherchant les antécédents, il posa les questions habituelles, entre autres celle de savoir s'il y avait eu d'autres cas d'affections pulmonaires dans la famille de ma femme. Celle-ci répondit négativement et, quant à moi, je ne me souvenais de rien de pareil. Au moment où le Dr P. allait prendre congé, la conversation tomba comme par hasard sur les excursions, et à cette occasion me femme dit: «Même pour aller à Langersdorf, ou est enterré mon pauvre frère, le voyage est trop long.» Ce frère est mort, il y a une quinzaine d'années, à la suite de multiples lésions tuberculeuses. Ma femme l'aimait beaucoup et m'a souvent parlé de lui. Je me suis même rappelé qu'à l'époque où fut établi le diagnostic de pleurésie, ma femme était très préoccupée et disait tristement: «Mon frère est mort, lui aussi, d'une maladie des poumons.» Or, le souvenir de cette maladie du frère était tellement refoulé chez elle que même après avoir émis son avis sur une excursion à L., elle ne trouva pas l'occasion de corriger les renseignements qu'elle avait donnés précédemment sur les antécédents maladifs de sa famille. J'ai moi-même succombé de nouveau à cet oubli, au moment où elle parla de Langersdorf. – Dans son travail déjà mentionné à plusieurs reprises, M. E. Jones raconte un cas tout à fait analogue: Un médecin dont la femme était atteinte d'une affection abdominale d'un diagnostic incertain, lui dit un jour à titre de consolation: «Quel bonheur du moins qu'il n'y ait pas eu de cas de tuberculose dans ta famille.» À quoi la femme répond, très surprise: «As-tu donc oublié que ma mère est morte de tuberculose, que ma sœur ne s'est rétablie de sa tuberculose que pour être de nouveau abandonnée des médecins?»

[61] Alors que j'écrivais ces pages, il m'est arrivé d'observer sur moi-même un cas d'oubli presque incroyable: en consultant le 1er janvier mon livre de comptes pour faire les relevés d'honoraires, je tombe sur le nom M…1 inscrit sur une page du mois de juin et ne puis me rappeler la personne à laquelle ce nom appartient. Mon étonnement grandit, lorsqu'en continuant de feuilleter mon livre, je constate que j'ai traité ce malade dans un sanatorium où je l'ai vu tous les jours pendant des semaines. Or, un médecin n'oublie pas au bout de six mois à peine un malade qu'il a traité dans de telles conditions. Était-ce un homme, un paralytique, un cas sans intérêt? Telles sont les questions que je me pose. Enfin, en lisant la note concernant les honoraires reçus, je retrouve tous les détails qui voulaient se soustraire à mon souvenir. M…1 était une fillette de 14 ans qui présentait le cas le plus remarquable de tous ceux que j'ai vus au cours de ces dernières années; ce cas m'a laissé une impression que je n, oublierai jamais, et son issue m'a causé des instants excessivement pénibles. L'enfant souffrait d'une hystérie évidente et éprouva, sous l'influence de mon traitement, une amélioration rapide et considérable Après cette amélioration, les parents me retirèrent leur enfant; elle se plaignait toujours de douleurs abdominales, qui jouèrent d'ailleurs le rôle principal dans le tableau symptomatique de son hystérie. Deux mois après, elle mourut d'un sarcome des ganglions abdominaux. L'hystérie à laquelle l'enfant était incontestablement prédisposée avait été provoquée par la tumeur ganglionnaire et alors que j'étais impressionné surtout par les phénomènes bruyants, mais anodins, de l'hystérie, je n'avais prêté aucune attention à la maladie insidieuse, mais incurable, qui devait l'emporter.

[62] M. A. Pick a récemment cité («Zur Psychologie des Vergessens bei Geistes-und Nervenkrankheiten», Archiv für Kriminal-Anthropologie und Kriminalistik, édité par Gros) toute une série d'auteurs qui admettent l'influence de facteurs affectifs sur la mémoire et reconnaissent plus ou moins ce que l'oubli doit à la tendance à se défendre contre ce qui est pénible. Mais personne n'a décrit ce phénomène et ses raisons psychologiques d'une manière aussi complète et aussi frappante que Nietzsche dans un de ses aphorismes (Au-delà du bien et du mal, II): «C'est moi qui ai fait cela», dit ma «mémoire». «Il est impossible que je l'aie fait», dit mon orgueil et il reste impitoyable. Finalement – c'est la mémoire qui cède.

[63] Cf. Hans Gros, Kriminalpsychologie, 1988.

[64]Darwin sur l'oubli. Dans l'autobiographie de Darwin, on trouve le passage suivant dans lequel se reflètent admirablement et sa probité scientifique et sa perspicacité psychologique: «J'ai, pendant de nombreuses années, suivi une règle d'or: chaque fois notamment que je me trouvais en présence d'un fait publié, d'une observation ou d'une idée nouvelle, qui étaient en opposition avec les résultats généraux obtenus par moi-même, je prenais soin de le noter fidèlement et immédiatement, car je savais par expérience que les idées et les faits de ce genre disparaissent plus facilement de la mémoire que ceux qui vous sont favorables.»

[65] Cf. Bernheim. Neue Studien über Hypnotismuse Suggestion und Psychotherapie (trad. allemande, 1892).

[66] Dans le drame de Shaw: César et Cléopâtre, César, sur le point de quitter l'Égypte, est pendant un certain temps tourmenté par l'idée d'avoir eu l'intention de faire quelque chose, mais ne peut se rappeler de quoi il s'agit. Nous apprenons finalement qu'il voulait faire ses adieux à Cléopâtre! Ce petit trait est destiné à montrer, en opposition d'ailleurs avec la vérité historique, le peu de cas que faisait César de la petite princesse égyptienne. (D'après E. Jones, l. c., p. 488.)

[67] Les femmes, qui ont une intuition plus profonde des processus psychiques inconscients, sont généralement portées à se considérer comme offensées lorsqu'on ne les reconnaît pas dans la rue, c'est-à-dire lorsqu'on ne les salue pas. Elles ne pensent jamais en premier lieu que le coupable peut n'être que myope ou qu'il ne les a pas aperçues, parce qu'il était plongé dans ses réflexions. Elles se disent qu'on les aurait certainement aperçues, si on les estimait davantage.

[68] M. S. Ferenczi raconte qu'il a été autrefois très «distrait» et qu'il étonnait tous ceux qui le connaissaient par la fréquence et l'étrangeté de ses actes manqués. Mais cette «distraction» a presque complètement disparu depuis qu'il s'est voué au traitement psychanalytique des malades, ce qui l'a obligé à prêter son attention également à l'analyse de son propre moi. Il pense qu'on renonce aux actes manqués, lorsqu'on se sent chargé d'une responsabilité plus grande. Aussi considère-t-il avec raison la distraction comme un état entretenu par des complexes inconscients et qui peut guérir par la psychanalyse. Un jour, cependant, il crut avoir à se reprocher une erreur technique qu'il aurait commise au cours de la psychanalyse d'un malade. Ce jour-là, il s'était trouvé subitement en butte à toutes ses «distractions» d'autrefois. Il fit plusieurs faux-pas dans la rue (représentation symbolique du faux-pas commis dans le traitement), oublia chez lui son portefeuille, voulut payer sa place de tramway un kreuzer de moins, quitta la maison ses habits mal boutonnés, etc.

[69] M. E. Jones dit à ce propos – «La résistance a souvent un caractère général. C'est ainsi qu'un homme affairé oublie d'expédier les lettres qui lui sont confiées par sa femme, ce qui l'ennuie quelque peu, de même qu'il peut oublier d'exécuter ses ordres d'achat dans les magasins.»

[70] Pour ne pas abandonner ce sujet, je m'écarte de la subdivision que j'ai adoptée et j'ajoute à ce que je viens de dire qu'en ce qui concerne les affaires d'argent, la mémoire des hommes manifeste une partialité particulière. Ainsi que j'ai pu m'en assurer sur moi-même, on croit souvent à tort avoir déjà payé ce qu'on doit, et les illusions de ce genre sont souvent très tenaces. Dans les cas où, comme dans le jeu de cartes, il ne s'agit pas d'intérêts considérables, mais où l'amour du gain a l'occasion de se manifester librement, les hommes même les plus honnêtes commettent facilement des erreurs de calcul, sont sujets à des défauts de mémoire et, sans s'en apercevoir, se rendent coupables de petites tricheries. Ce n'est pas en cela que consiste l'action psychiquement réconfortante du jeu. L'aphorisme d'après lequel le véritable caractère de l'homme se manifesterait dans le jeu est exact, à la condition d'admettre qu'il s'agit du caractère refoulé. – S'il est vrai qu'il y a encore des garçons de café et de restaurant capables de commettre des erreurs de calcul involontaires, ces erreurs comportent évidemment la même explication. – Chez les commerçants on peut souvent observer une certaine hésitation à effectuer des paiements: il ne faut pas voir là une preuve de mauvaise volonté, l'expression du désir de s'enrichir indûment, mais seulement l'expression psychologique d'une résistance qu'on éprouve toujours au moment de se défaire de son argent. – Brill remarque à ce sujet avec perspicacité: «Nous égarons plus facilement des lettres contenant des factures que des lettres contenant des chèques.» Si les femmes se montrent particulièrement peu disposées à payer leur médecin, cela tient à des mobiles très intimes et encore très peu élucidés. Généralement, elles ont oublié leur porte-monnaie, ce qui les met dans l'impossibilité d'acquitter les honoraires séance tenante; puis elles oublient, non moins généralement, d'envoyer les honoraires, une fois rentrées chez elles, et il se trouve finalement qu'on les a reçues «pour leurs beaux yeux», gratis pro Deo. On dirait qu'elles vous paient avec leur sourire.

[71] Les deux mots servent également à désigner le «papier buvard». (N. d. T.)

[72] Une publication ultérieure de Meringer m'a montré que j'ai eu tort d'attribuer à l'auteur cette manière de voir.

[73]Versteigern: monter trop haut, au sens propre et figuré (avoir trop de prétentions). (N. d. T.)

[74]Gesamte Werke, II, p. 64. Verlag S. Fischer.

[75] «Profaner» – sens figuré du verbe sich vergreifen (an), dont le sens propre et courant est: «se tromper», «se méprendre». (N. d. T.)

[76] C'est ce que j'appelle le rêve d'Oedipe, car ce rêve nous permet de comprendre la légende du roi Oedipe. Dans le texte de Sophocle, nous entendons de la bouche de Jocaste une allusion à un rêve de ce genre. (Cf. «Traumdeutung», p. 182; 51 édit., p. 183.)

[77] La mutilation volontaire, qui ne vise pas à la destruction complète, n'a, dans l'état actuel de notre civilisation, pas d'autre choix que de se dissimuler derrière un accident ou de s'affirmer en simulant une maladie spontanée. Autrefois l'auto-mutilation était une expression de la douleur universellement adoptée, à d'autres époques elle pouvait servir d'expression aux idées de piété et de renoncement au monde.

[78] En dernière analyse, ce cas ressemble tout à fait à celui de l'agression sexuelle contre une femme, agression contre laquelle la femme est incapable de se défendre par sa force musculaire, car cette force est neutralisée en partie par les instincts inconscients de la victime. Ne dit-on pas que, dans ces situations, les forces de la femme se trouvent paralysées? Mais on devrait ajouter encore les raisons pour lesquelles elles sont paralysées. À ce point de vue, le jugement spirituel, prononcé par Sancho Pansa en sa qualité de gouverneur de son île, n'est pas psychologiquement exact (Don Quichotte, 11, partie, chap. XLV). Une femme traîne devant le juge un homme qui, prétend-elle, lui aurait ravi son honneur. Sancho la dédommage, en lui remettant une bourse pleine d'or qu'il enlève au prévenu et permet à celui-ci, après le départ de la femme, de courir après elle pour tenter de lui enlever cette bourse. L'homme et la femme reviennent en luttant, et celle-ci affirme en se vantant que le forcené n'a pas été capable de la dépouiller de la bourse. À quoi Sancho d'observer: «Si tu avais mis à défendre ton honneur la moitié de l'acharnement que tu mets à défendre ta bourse, tu serais encore une honnête femme.»

[79] On comprend fort bien que le champ de bataille offre à la volonté de suicide consciente, mais qui redoute la voie directe, les conditions qui se prêtent le mieux à sa réalisation. Rappelez-vous ce que le chef suédois dit dans Wallenstein au sujet de la mort de Max Piccolomini: «On dit qu'il voulait mourir.»

[80] Un correspondant écrit à propos de cette question du «châtiment qu'on s'inflige soi-même à l'aide d'un acte manqué»: lorsqu'on observe la manière dont les gens se comportent dans la rue, on constate la fréquence avec laquelle de petits accidents arrivent aux hommes qui, selon la coutume, se retournent pour regarder les femmes. Tel fait un faux pas en terrain plat, tel autre se cogne contre un lampadaire, tel autre se blesse d'une autre manière.

[81] Jeu de mots, fondé sur le double sens du mot Recht, qui est d'ailleurs le même que celui du mot français droit. (N. d. T.)

[82] «Beitrag zur Symbolik des Alltags», par Ernst Joncs. Traduit de l'anglais par Otto Rank (Vienne). Zentraibl. f. Psychoanalyse, I, 3, 1911.

[83] «Freud's Theory of Dreams», Americ.Journ. of Psychoanal., avril 1910 N 7, p. 301.

[84] «Sous le gouvernement d'hommes véritablement grands, la plume est Plus Puissante que l'épée.» Cf. Oldhams: «I wear my Pen as other do their sword» (Je porte ma plume comme d'autres portent leur épée).

[85] Alph. Maeder, Contributions à la psychopathologie de la vie quotidienne. Archives de Psychologie, t. VI, 1906.

[86] Voici encore une petite collection de différents actes symptomatiques chez des personnes saines et chez des névrosés. – Un collègue un peu âgé, qui n'aime pas perdre aux cartes, s'acquitte un soir d'une dette de jeu assez importante, et cela sans aucune protestation, mais en faisant sur lui-même un effort visible. Après son départ, on découvrit qu'il avait laissé, à la place où il était assis, à peu près tout ce qu'il avait l'habitude de porter sur lui: lunettes, étui à cigares, mouchoir de poche. Cet oubli peut être traduit ainsi: «Vous êtes des brigands; vous m'avez joliment dépouillé.» – Un homme, qui souffre de temps en temps d'impuissance sexuelle (qui remonte à la profonde affection qu'étant enfant il a éprouvée pour sa mère), raconte qu'il a l'habitude d'orner manuscrits et dessins de la lettre S, qui est l'initiale du nom de sa mère. Il ne supporte pas que les lettres qu'il reçoit de chez lui voisinent sur son bureau avec d'autres lettres, d'un caractère profane; aussi conserve-t-il les premières à part. – Une jeune dame ouvre brusquement la porte de la salle de traitement dans laquelle se trouve déjà une autre malade. Elle invoque pour excuse son «étourderie»; l'analyse révèle qu'elle a été poussée à son acte par la même curiosité que celle qui lui faisait faire autrefois irruption dans la chambre de ses parents. – Des jeunes filles, fières de leur belle chevelure, savent tellement bien l'arranger à l'aide de peignes et d'épingles que leurs cheveux se défont au beau milieu de la conversation. – Certains hommes répandent à terre, pendant le traitement (dans la position couchée), de la petite monnaie qui tombe de la poche de leur pantalon et récompensent ainsi, selon leurs moyens, le travail qu'exige une heure de traitement. – Celui qui oublie chez le médecin son pince-nez, ses gants, sa pochette, montre par là-même qu'il ne s'en va qu'à regret et qu'il reviendra bientôt. E. Jones dit: «Un médecin peut presque mesurer le succès avec lequel il pratique la psychanalyse par l'importance de la collection de parapluies, ombrelles, mouchoirs, bourses, etc. qu'il réunit en l'espace d'un mois.» – Les actes les plus habituels, les plus insignifiants et accomplis avec le minimum d'attention, comme par exemple remonter une montre le soir, avant le coucher, éteindre la lumière au moment où l'on quitte une pièce, etc., sont, dans certaines occasions, sujets à des troubles qui prouvent d'une façon incontestable l'influence des complexes inconscients sur les «habitudes» les plus fortes. M. Maeder raconte, dans la revue Cœnobium, l'histoire d'un médecin d'hôpital qui avait décidé un soir de se rendre en ville pour une affaire importante, bien qu'il fût de service et n'eût pas le droit de quitter l'hôpital. En revenant, il fut tout étonné d'apercevoir de la lumière dans sa chambre. Il avait oublié, chose qui ne lui était jamais arrivée auparavant, d'éteindre la lumière en sortant. Mais il ne tarda pas à découvrir la raison de cet oubli: le directeur de l'hôpital, voyant de la lumière dans la chambre de son interne, ne pouvait pas se douter que celui-ci fût absent. – Un homme accablé de soucis et sujet à des accès de profonde dépression m'assurait qu'il trouvait régulièrement sa montre arrêtée le matin, lorsqu'il lui arrivait de se coucher la veille avec un sentiment de lassitude qui lui faisait apparaître la vie sous les couleurs les plus sombres. En oubliant de remonter sa montre il exprime donc symboliquement qu'il lui est indifférent de se réveiller ou non le lendemain. – Un autre homme, que je ne connais pas personnellement, m'écrit: «À la suite d'un grand malheur, la vie m'avait paru tellement dure et hostile que j'en étais arrivé à me dire tous les jours que je n'aurais pas assez de force pour vivre un jour de plus; aussi avais-je fini par oublier de remonter ma montre, chose qui ne m'était jamais arrivée auparavant, car c'était là un acte que j'accomplissais presque machinalement tous les soirs, avant de me mettre au lit. Je ne me souvenais plus de cette habitude que très rarement, lorsque j'avais le lendemain une affaire importante ou qui m'intéressait particulièrement. Serait-ce également un acte symptomatique? Je ne pouvais pas m'expliquer cet oubli.» – Celui qui, comme Jung (Ueber die Psychologie der Dementia praecox, p. 62, 1907) ou comme Maeder (Une voie nouvelle en psychologie: Freud et son école, Cœnobium, Lugano, 1909), veut bien se donner la peine de prêter attention aux airs que, sans le vouloir et souvent sans s'en apercevoir, telle ou telle personne fredonne, trouvera presque toujours qu'il existe un rapport entre le texte de la chanson et un sujet qui préoccupe la personne en question.

Le déterminisme plus profond qui préside à l'expression de nos pensées par la parole ou par l'écriture mériterait également une étude sérieuse. On se croit en général libre de choisir les mots et les images pour exprimer ses idées. Mais une observation plus attentive montre que ce sont souvent des considérations étrangères aux idées qui décident de ce choix et que la forme dans laquelle nous coulons nos idées révèle souvent un sens plus profond, dont nous ne nous rendons pas compte nous-mêmes. Les images et les manières de parler dont une personne se sert de préférence sont loin d'être indifférentes, lorsqu'il s'agit de se former un jugement sur cette personne; certaines de ces images et manières de parler sont souvent des allusions à des sujets qui, tout en restant à l'arrière-plan, exercent une influence puissante sur celui qui parle. Je connais quelqu'un qui, à une certaine époque, se servait à chaque instant, même dans des conversations abstraites, de l'expression suivante: «Lorsque quelque chose traverse tout à coup la tète de quelqu'un.» Or, je savais que celui qui parlait ainsi avait reçu, peu de temps auparavant, la nouvelle qu'un projectile russe avait traversé d'avant en arrière le bonnet de campagne que son fils, soldat combattant, avait sur la tête.

[87] L'erreur est cependant douteuse: d'après la version orphique du mythe, l'émasculation de Kronos fut l'œuvre de son fils Zeus (Rocher, Lexicon der Mythologie).

[88] Cette persistance d'une impression dans l'inconscient peut se manifester tantôt sous la forme d'un rêve qui suit l'acte manqué, tantôt par la répétition de cet acte ou par l'omission d'une correction, l'erreur commise échappant obstinément à la vue.

[89] Alf. Adler. Drei Pschoanalysen von Zahleneinfallen und obsedierenden Zahlen. Psych-Neur. Wochenschr., N. 28, 1905.

[90] À propos de Macbeth, figurant sous le NI 17 dans la Bibliothèque Universelle de Reclam, M. Adler me communique que son sujet avait adhéré, à l'âge de 17 ans, à une association anarchiste ayant pour but le régicide. C'est pourquoi il avait oublié le contenu de Macbeth. Vers la même époque, il inventa un alphabet chiffré, dans lequel les lettres étaient remplacées par des nombres.
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