CHAPITRE III (1)

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– On n’en a aucun, dit l’huissier, vous n’avez qu’à voir cette salle d’attente.»

C’était un long couloir où des portes grossières s’ouvraient sur les diverses sections du grenier. Bien que nul jour ne donnât là directement, il ne faisait pas complètement noir, car, au lieu d’être séparés du couloir par une paroi hermétique, bien des bureaux ne présentaient de ce côté qu’une sorte de grillage de bois qui laissait passer un peu la lumière et par lequel on pouvait voir les employés en train d’écrire à leurs pupitres ou debout contre la claire-voie et occupés à observer les gens qui passaient. Le public de la salle d’attente était d’ailleurs très restreint, à cause du dimanche; il faisait un effet très modeste; il était réparti presque régulièrement sur les bancs de bois disposés de chaque côté du couloir. Tous ces gens-là étaient vêtus négligemment, quoique la plupart, à en juger par leur physionomie, leur tenue, la coupe de leur barbe et mille impondérables, appartinssent aux meilleures classes de la société. Comme il n’y avait pas de portemanteaux, ils avaient déposé leurs chapeaux sous les bancs, chacun suivant sans doute en cela l’exemple des prédécesseurs. En voyant venir K. et l’huissier, ceux qui étaient le plus près de la porte se levèrent pour les saluer, ce que voyant les autres se crurent tenus aussi d’en faire autant, de sorte que tout le monde se leva au passage de ces deux messieurs. Personne d’ailleurs ne se redressait complètement, les dos restaient courbés et les genoux pliés: on aurait cru à des mendiants de coin de rue. K. attendit l’huissier qu’il avait précédé et lui dit:

«Qu’ils ont dû recevoir d’humiliations!

– Oui, dit l’huissier, ce sont des accusés; tous les gens que vous voyez là sont des accusés.

– Vraiment, dit K., ce sont donc mes collègues?»

Et, s’adressant au plus près de lui, un grand homme maigre déjà presque grisonnant, il lui demanda poliment:

«Qu’attendez-vous ici, monsieur?»

Mais cette interpellation inattendue déconcerta l’homme d’une façon d’autant plus pénible à voir qu’il s’agissait visiblement de quelqu’un qui connaissait le monde, qui devait être très maître de lui en tout autre lieu et qui ne devait pas oublier facilement la supériorité qu’il s’était acquise sur les autres. Ici, il ne sut que répondre à une aussi simple question et il se mit à regarder ses compagnons comme s’ils eussent été tenus de l’aider et que personne ne pût exiger de lui aucune réponse tant que nul secours ne lui viendrait. L’huissier intervint alors et dit à l’homme pour le rassurer et l’encourager: [9]Passage supprimé par l’auteur - K. avait déjà essayé de saisir la main que la femme cherchait visiblement, bien que craintivement, à lui tendre, quand les discours de l’étudiant le rendirent soudain attentif. Cet étudiant était un bavard et un fanfaron; peut-être pourrait-on tirer de lui des détails sur l’accusation qui avait été portée contre K. et une fois ces détails connus, K. n’aurait plus qu’une chiquenaude à donner pour mettre fin, à la stupeur de tous, à cette aventure judiciaire.
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