11. Association de plusieurs actes manqués

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«Dans la partie la plus intéressante de la pièce de Wedekind, La Censure , figure la phrase suivante: «La crainte de la mort est une erreur de la pensée (Denkfehler)». L'auteur, qui tenait beaucoup à ce passage, pria l'acteur, lors de la répétition, de faire une petite pause, avant de prononcer le mot Denkfehler. Le soir, l'acteur, tout à fait familiarisé avec son rôle, observe la pause indiquée, mais dit à son insu et sur le ton le plus solennel: «La crainte de la mort est… une faute d'impression (Druckfehler).» La représentation terminée, l'auteur assure l'acteur qu'il n'a rien à lui reprocher, mais lui rappelle que «la crainte de la mort est une erreur de la pensée (Denkfehler)», et non une «faute d'impression (Druckfehler)».

Le lendemain soir, La Censure est de nouveau jouée. Arrivé au fameux passage, l'acteur dit, toujours du ton le plus solennel: «La crainte de la mort est une… fiche aide-mémoire (Denkzettel).» Wedekind combla, cette fois encore, l'acteur d'éloges, mais lui rappela une fois de plus que «la crainte de la mort est une erreur de la pensée (Denkfehler)».

Lors de la troisième représentation de La Censure , l'acteur qui, entre temps, s'était lié d'amitié avec l'auteur, avec lequel il avait eu de longues discussions sur l'art, prononce encore la fameuse phrase, avec l'expression la plus solennelle du monde: «La crainte de la mort est… une étiquette imprimée (Druckzettel).»

L'artiste reçut de nouveau les plus chaleureuses félicitations de l'auteur, la pièce fut encore jouée nombre de fois; mais quant à l' «erreur de la pensée» (Denkfehler), Wedekind n'en parla plus, considérant la question comme liquidée une fois pour toutes.

M. Rank s'est occupé des rapports très intéressants existant entre «l'acte manqué et le rêve» (Zentralbl. für Psychoanal., ibid.; Internat. Zeilschr.f. Psychoanal. III, 1915), rapports qu'il n'est cependant pas posssible de dégager sans une analyse approfondie du rêve qui s'attache à l'acte manqué. J'ai rêvé une fois, parmi beaucoup d'autres choses, que j'avais perdu mon porte-monnaie. Le lendemain matin, en m'habillant, je n'arrivais pas, en effet, à le retrouver. J'avais oublié, en me déshabillant la veille, de le retirer de la poche de mon pantalon, pour le déposer à sa place habituelle. Cet oubli ne m'était donc pas inconnu; il a probablement servi d'expression à une idée inconsciente qui était toute prête à apparaître dans le contenu du rêve.

Je ne prétends pas que ces cas d'association d'actes manqués soient de nature à nous apprendre quelque chose de nouveau qui ne nous ait pas été révélé par les actes manqués simples. Mais les changements de forme qu'affecte l'acte manqué pour aboutir au même résultat sont l'expression plastique d'une volonté qui tend vers un but déterminé et fournissent un argument de plus et beaucoup plus sérieux contre la conception qui ne voit dans l'acte manqué qu'un fait accidentel, n'ayant pas besoin d'explication. Ce qui frappe encore dans ces cas, c'est l'impuissance dans laquelle on se trouve pour neutraliser le résultat d'un acte manqué, en lui opposant un projet conscient. Malgré tous ses efforts, mon ami ne réussit pas à assister à une séance de son comité, et malgré toute sa bonne volonté la belle-sœur du peintre est incapable de se séparer de la médaille. L'inconscient qui s'oppose à ces projets et desseins conscients finit par se trouver une issue, alors qu'on croit lui avoir barré tous les chemins. Pour se rendre maître du motif inconscient, il faut, en effet, quelques chose de plus qu'un contre-projet conscient: il faut une opération psychique qui fasse entrer cet inconscient dans la sphère de la conscience.
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